J’entame un nouveau chantier de longue haleine en faisant l’acquisition de ce piano n°3bis de Pleyel, un modèle que l’on retrouve encore couramment de nos jours alors que la série date de la fin du XIXe siècle. À l’époque, Pleyel faisait encore des pianos avec cadre serrurier constitué de plusieurs pièces d’acier, avant la généralisation des cadres en fonte. La mécanique de bonne facture est en très bon état, à simple échappement et les marteaux sont montés sur un peigne. Ce piano date de l’époque où les facteurs comme Pleyel, Érard et Gaveau étaient à la pointe de l’innovation et de la qualité, avant la suprématie des Steinway et autres facteurs très renommés aujourd’hui.
Ce spécimen a été plutôt bien entretenu, il tient l’accord, et à part une usure des ivoires et quelques fissures dans la table d’harmonie et les chevalets, les pièces sont en bon état. Les aigus sont cristallins, les graves, très profonds ; par contre les médiums sont éprouvés. Ils sonnent de manière métallique.
Avant d’entamer la restauration à proprement parler, je commence par un nettoyage et un inventaire de l’état de chaque pièce. Les feutres des marteaux et des étouffoirs en particulier méritent d’être remplacés avant toute autre chose.
Pour la suite, je m’instruis auprès de techniciens et restaurateurs de piano pour comprendre dans quel ordre procéder à la restauration de cet instrument. À suivre…
Cher Benjamin, avez-vous réussi à régler cette fameuse mécanique ? Serait-il possible de m’éclairer sur l’ordre chronologique des réglage ?
Hauteur des marteaux, échappement, rechutes, attrapes, double échapement etc…
Par avance merci.
Bonjour,
Effectivement le réglage de cette mécanique est plus compliqué que sur une mécanique moderne, en particulier à cause des lames en ivoire sur lesquelles reposent les pilotes du mécanisme de répétition, ainsi que la conception assez « originale » du mécanisme de répétition.
Les lames d’ivoire ont deux fonctions :
– à l’enfoncement d’une touche, la lame transmet le mouvement au pilote du mécanisme de répétition, qui conjointement au chevalet (avec le bâton) pousse le marteau. L’action du marteau demande donc un réglage bien coordonné entre le pilote de chevalet et le pilote de répétition.
– au relâchement d’une touche, elle amortit le retour du marteau, juste ce qu’il faut pour que le bâton vienne se replacer en dessous du rouleau du marteau, et ainsi être prêt à répéter.
À ce jour, j’ai déjà fait plusieurs réglages sans connaître les données d’origine et il semble qu’une chasse importante est nécessaire : plus ou moins 51 ou 52mm. Sur certains Pleyel de la même époque j’ai même constaté que les marteaux reposaient complètement sur la barre de repos (du coup c’est de l’ordre de 58mm).
Je règle d’abord les pilotes de chevalet (en ayant complètement dévissé les pilotes de répétitions) et ensuite je viens visser les pilotes de répétitions de manière à ce que le marteau se relève d’un demi millimètre max.
Échappement pas trop près des cordes car avec l’effet ressort des lames, il peut y avoir des ratés : 3mm, mais on peut augmenter à 5 s’il y a des problèmes. Chute à 3mm de plus, attrape à 10mm de plus = 3, 6 et 13. Ce sont des valeurs qui fonctionnent avec ma mécanique, mais ça m’arrive de les changer légèrement si je constate des problèmes en jouant.
La répétition ne se règle pas vraiment, mais si le bâton ne revient pas en position initial assez vite, il faut visser un peu plus le pilote de répétition, cela augmente la tension de la lame en ivoire.
Autre réglage important, la mise sous le nez du bâton (à faire au préalable à tout réglage), à un millimètre près vers l’avant ou vers l’arrière, ça change le rapport de transmission.
J’espère que cela pourra vous aider.
Il y a un an, j’ai sollicité le concours de techniciens chevronnés sur le forum pianomajeur, le topic est ici : https://www.pianomajeur.net/forum/viewtopic.php?t=25698
J’y ai posté quelques schémas et il faut trier un peu, mais il y a beaucoup d’informations pertinentes.
Bien à vous.
Benjamin
Merci beaucoup pour tous ces éléments !
J’ai un piano très proche du vôtre et je rencontre des problèmes similaires avec la mécanique (qui a pourtant été restaurée par le passé) : toucher trop lourd et relativement inégal avec des échappements insuffisamment réglés.
Avez-vous réussi à régler la mécanique de façon à résoudre le problème de la lourdeur du clavier ?
J’ai parcouru le forum mais je n’ai pas vu de réponse sur ce point !
Bonjour Frédéric, le réglage que j’ai effectué n’est pas parfait, mais déjà nettement mieux que ce que j’avais quand j’ai récupéré le piano ; et bien sûr, je précise que cela fonctionne avec mon piano, mais rien ne garantit que cela correspondra au vôtre.
En résumé :
– Bien déterminer l’enfoncement avant le dressage en fonction du rapport de la mécanique ; dans les standards modernes, 1mm d’enfoncement pour 6mm de course du marteau est le maximum admis ; mais chez moi la mécanique a un rapport plus élevé (toucher plus lourd) ; donc je règle l’enfoncement des touches à 10 voir 10,5mm.
– Aléser et tester tous les axes de chevalet et de balancier, dresser le clavier correctement en vérifiant également les frottements autour des pointes de balancier des touches.
– Ce n’est pas du tout conforme aux standards modernes, mais j’ai choisi de régler la chasse de manière à ce que les marteaux reposent sur la barre de repos, cela permet une meilleure efficacité du mécanisme de répétition. Donc bref : au maximum. Si l’on veut diminuer la chasse tout en ayant les marteaux sur la barre de repos, on peut toujours poser des couches de feutres supplémentaires sur cette barre.
– Échappement à 3 mm et chute à 6 mm (ça m’est arrivé de faire 2 et 4mm, mais j’avais parfois des ratés dans le piano).
– Attrape à 13 mm, j’ai essayé plusieurs valeurs entre 10 et 21mm ; j’ai constaté que ça marchait mieux avec des valeurs en dessous de 16mm.
– Concernant le poids, j’ai longtemps hésité à re-lester les touches à l’avant pour alléger le toucher ; mais pour l’instant je ne l’ai pas fait car cela modifie l’inertie et donc la fluidité de la mécanique.
Voilà à l’heure actuelle mes conclusions pour le réglage, mais je dois ressortir la mécanique du piano dans les prochains mois pour faire quelques retouches.
Bien à vous.
Benjamin